Contre-histoires féministes de la technique et du libre

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Aujourd’hui, on va parler de contre histoires féministes, je vais pas mal m’appuyer sur mes notes car c’est très dense et je risque de ne pas tenir le temps ou d’oublier de dire des choses.

L’idée n’est évidemment pas de traiter ça de façon exhaustive en trois quarts d’heure mais que vous ressortiez, si possible 1) avec l’envie d’en savoir plus et 2) quelques nouvelles idées sur la question.

On va faire ça en suivant l’ordre chronologique et en reprenant des histoires assez classiques.

Si vous n’avez pas la référence pour la slide de titre, ne vous inquiétez pas, on en reparlera un peu plus loin.

Quelques précisions de vocabulaire : une contre-histoire, c’est une histoire qui remet en question le discours dominant, en l’occurrence ici, celui du système patriarcal dont l’un des effets est d’invisibiliser, ignorer, la moitié de la population.

Le féminisme, pour moi, ce n’est pas un gros mot, ce n’est pas le contraire du masculinisme, ce n’est pas vouloir mettre les femmes à la place des hommes. C’est souhaiter mettre à bas ce système - le patriarcat - basé sur la domination de certaines personnes sur certaines autres en fonction de leur sexe/genre - l’idéal étant de mettre à bas tout système de domination, en cela, on devrait relativement bien s’entendre avec les anarchistes, les anticapitalistes, les écologistes, les queers, toutes ces luttes devraient bien aller ensemble mais on sait bien que ce n’est pas si facile, tout le monde ne s’accorde pas sur la finalité, mais pour moi, on ne peut pas, par exemple, être écologiste sans remettre en cause le capitalisme, anarchiste sans être féministe, féministe sans soutenir la cause des personnes trans ou non binaires, etc.

Donc. Il était une fois l’homme.

Il était une fois...

Sans grand h, on le voit dans toutes les représentations, il existe évidemment des détournements, parfois pas très fins ni dépourvus de sexisme, ici on remarquera que la femme ne porte plus d’arme - mais un grand chapeau.

J’ai pêché ces illustrations sur le web, je trouve que ça résume assez bien ce que la plupart d’entre nous ont dû apprendre quand ils ou elles étaient petites : les hommes au premier plan, s’occupant des activités nobles comme la chasse, les femmes à la couture et s’occupant des gosses.

Oui, sauf que.

Woman the Hunter

Selon des études récentes, dont tout le monde a évidemment entendu parler n’est-ce pas, ça date de 2018, entre 30 et 50 % des chasseurs « de gros gibiers » auraient été des femmes ; l’analyse des restes squelettiques suggère que tous deux pratiquaient les mêmes types d’activités. D’où vient donc cette représentation de l’homme chassant pendant que la femme reste sagement à la grotte ? Apparemment, au moins en partie d’un livre datant de 1968 et ayant connu un énorme succès : Man the Hunter. Lorsque des femmes universitaires ont publié des recherches contraires, leur travail a été largement ignoré ou dévalorisé, pointé du doigt comme une critique féministe ou une approche féministe.

Que peut-on tirer de cette première histoire ?

  1. Déjà, que certaines choses que tout le monde pense parfaitement établies sont en fait construites de toutes pièces à partir d’a priori, de préjugés sexistes fortement liés à l’époque (l’homme fort, chasseur, la femme occupée à des activités de care).

  2. Ensuite, que toute critique mettant en question la domination masculine est susceptible d’être qualifiée de non neutre, partisane voire, gros mot suprême, féministe. Puisque la position neutre, comme chacune le sait, c’est celle où les hommes prennent toute la place.

  3. Enfin, on va mettre beaucoup moins en avant certains points de vue que d’autres. Tenter d’émettre une critique féministe dans certains milieux, c’est un peu comme tenter de faire entendre une position de gauche sur CNews.

Mais il ne faudrait pas s’en tenir là : car finalement, qu’est-ce qu’on est en train de dire, que les femmes étaient aussi chasseuses que les hommes - ok, mais pourquoi, en premier lieu, mettre autant en avant la chasse ?

Pourquoi mettre toujours en avant les outils techniques associés à la guerre, au meurtre, plutôt que ceux associés à la vie, la vie ensemble, la convivialité ? J’ai cherché à un moment le contraire d’outil convivial, je me suis aperçue par la suite que c’était évident : le contraire d’un outil convivial, c’est un outil guerrier.

Le panier, c’est en référence à un superbe texte d’Ursula Le Guin que je vous montre vite fait et que je vous ai mis dans la bibliographie.

Il y est question d’un film, 2001 l’Odyssée de l’espace. Le Guin décrit un passage au début du film où, suite à l’arrivée du monolithe, l’homme singe devient soudainement intelligent : il comprend qu’un os peut devenir une arme, qu’un os peut lui permettre de tuer, d’effectuer le premier meurtre dans les règles ! Dans un raccourci magnifique, l’autrice décrit alors l’os projeté en l’air se transformant en vaisseau spatial pénétrant le cosmos pour l’ensemencer et produire à la fin du film un adorable fœtus - mâle bien sûr, sans l’intermédiaire d’un quelconque utérus.

Elle dit alors que ces choses avec lesquelles on frappe et on tue, on en a toustes entendu parler, mais que ce qui l’intéresse, elle, ce qui est nouveau, c’est de parler du contenant pour les choses contenues - du panier - symbole assez clair de l’outil convivial - ou du ventre de la femme.

Il est important de prendre conscience des types de technique que l’on met en avant.

Ce n’est pas anodin, de mettre en avant la guerre plutôt que la paix, les outils qui donnent la mort plutôt que ceux qui permettent la vie.

Le Guin pointe également autre chose, avec cette histoire de fœtus qui sort de nulle part. C’est vraiment quelque chose de fort, dans les imaginaires, ce désir de créer, d’enfanter, sans passer par le ventre d’une femme, de remplacer la Nature - de devenir Dieu - en créant ses propres intelligences.

Ces imaginaires sont essentiellement masculins, puisque ce sont essentiellement des livres d’hommes, qui nous ont nourries pendant, littéralement, des siècles.

En parlant de livres.

À propos de contre-histoire...